Réalisé par Kim Manners. Ecrit par Chris Carter.
Mulder est accusé d’avoir assassiné Knowle Rohrer. Jugé par un tribunal militaire pas très catholique, il doit prouver l’existence de la conspiration gouvernementale, visant à cacher l’existence des extraterrestres.
Le X-final est un épisode de quatre-vingt-dix minutes qui voit l’ultime retour de David Duchovny mais aussi de tous les acteurs qui ont marqués la série : William B. Davis, Nicholas Lea, Laurie Holden, Steven Williams, Chris Owens, Jeff Gulka… Que dire de cette vérité tant attendue ? L’a-t-on enfin trouvée ? S’affiche-t-elle lors de ce procès choc ? Sur le banc des condamnés, Mulder décide finalement de se taire. Paradoxe ultime pour celui qui a combattu pendant tant d’années le mensonge ? Ou la vérité réside-t-elle ailleurs, encore ? S’agit-elle de cette dimension inéluctable du destin de chacun d’entre nous ? La vérité, c’est la mort : Mulder condamné à mort, c’est Mulder réalisant que l’humanité est condamnée à disparaître. C’est aussi Mulder plaidant coupable du meurtre d’un être immortel, cette nouvelle génération d’humains de remplacement. Et nous entrons dans le vif du sujet, à savoir la problématique douloureuse des générations. L’essentiel de la série a été écrite autour de cette peur de celui qui va nous remplacer : cet alien, cet autre, cet enfant… La date de la colonisation est arrêtée : 22 décembre 2012, la fin d’une ère précédant le début d’une autre, faite de grands changements pour l’Humanité selon le calendrier Maya. On pense alors à l’image de l’éclipse ajoutée au générique, tout comme le petit garçon d’une dizaine d’année qui n’est autre que William en 2012. Mulder a la confirmation de ses craintes comme celle d’une naissance à venir ou d’une mort annoncée. On retrouve le Mulder résigné de la septième saison, qui accepte son sort, son destin (Amor fati). Et nous retrouvons la figure christique chère à la série. Mulder comme Jésus est torturé, subi un procès dont la décision est déjà entendue et accepte sa fin. Alors c’est vrai, le destin tant attendu du héros sauvant l’humanité du désastre annoncé, combattant le futur jusqu’à la mort n’a plus rien à voir. Et pourtant, quelle autre fin possible ? Si toute la série n’est qu’une gigantesque métaphore de la problématique universelle des générations avec pour point d’appui la figure christique (le fils sacrifié pour sauver l’humanité), alors nulle autre fin n’est possible. Seule la mort est au bout du chemin. Et ce faisant paradoxalement, nous permettons à l’humanité de survivre.
L’une des scènes les plus fortes est celle où Gibson dénonce l’un des jurés (Alan Dale) comme n’étant pas humain. La scène donne un éclairage nouveau aux conspirateurs : ce ne sont pas seulement des hommes égoïstes et aveugles, il y a parmi eux déjà des êtres immortels. L’apparence de l’homme, un elder/ancien, évoque le CSM et la génération partante. D’où l’opposition paradoxale immortalité/vieillesse très efficace qui renvoie à la monstruosité du choix des conspirateurs, sacrifiant leurs enfants pour leur propre survie car dans la série, ce sont les enfants qui meurent où sont écartés (Samantha, Emily, William) comme si la succession des générations était impossible. Deux pères acceptent enfin de partir : le CSM et Mulder… C’est peut-être là que réside le véritable message de l’épisode : sa vérité. Mulder est arrivé au bout du chemin, il doit symboliquement mourir à lui-même, renoncer. Ce n’est pas une défaite pour autant : parce qu’avant de mourir, chacun laisse une part de lui-même sur terre, un enfant ou un souvenir dans le cœur de quelqu’un. Les morts nous parlent : dès la première saison la série nous le dit (Beyond the sea). Les morts parlent à Mulder : ils sont l’ultime preuve des X-files incarnés par ce bout de papier que X (symbole de la croix) lui tend. Le CSM aussi fait son ultime retour, non parmi les morts mais parmi les vivants. Sans doute parce qu’il n’a jamais accepté la logique des générations en sacrifiant ses fils à sa propre survie. C’est l’Antéchrist par essence, l’opposé parfait de Mulder mais aussi son miroir. Son opposé parce que Mulder accepte la mort et refuse de sacrifier ceux qu’il aime. Son miroir parce que le CSM est le père par essence, le père mythologique tel Ouranos, Cronos et tous les autres pères qui refusaient leur descendance pour ne pas être détrônés. Mulder non plus ne veut pas céder sa place aux aliens. Lorsqu’il accède à la paternité, il est menacé lui aussi.
C’est sans doute pour cela que William est un super soldat, la menace d’un être plus fort que le père, dangereux. Et que son arrivée coïncide avec le départ de Mulder tandis que son adoption précède le retour de celui-ci. Mulder et Scully se retrouvent pris dans le même piège que leurs aînés. Et lorsque Spender rend William à sa normalité, il le rend à l’humanité, à son statut de mortel (William). Ce n’est plus une menace puisque lui aussi va mourir un jour : il ne met donc plus en danger l’humanité, il est l’Humanité, « cet ange déchu des cieux » (Lamartine). Le pauvre William est né trois fois. La première dans une ville fantôme où coulait jadis une source chaude (Existence) ; la seconde perdu au milieu d’une terre fumante comme agonisante de l’avoir enfanté (Providence) ; la troisième abandonné par sa mère et confié à un couple lui offrant une chambre-ciel (William). La Genèse est une série de séparations. William est donc tour à tour privé des éléments. L’enfant comme métaphore de la naissance de tout ? Neuf ans ont été nécessaires pour lui donner vie. Neuf ans, neuf mois, la gestation d’une œuvre. La Création. Carter, plus créateur que jamais. Et si en abandonnant William, Carter ne marquait pas aussi la fin de son œuvre, l’abandon des X-files ? Car la vérité est là aussi : « I want to believe », le poster sauvé par Doggett, fils spirituel de Mulder aux X-Files, né dans la même ville que William le 4 avril 1960.
La scène finale comme dans un parfait effet de miroir nous renvoie au Pilot, avec la croix en pendentif de Scully. Cette croix n’est pas simplement une référence christique venant appuyer toute la symbolique engagée : elle est là pour refermer la boucle, revenir au X du titre de la série. Elle incarne tout à la fois, le sacrifice et la promesse, la mort, la vie, la résurrection, en même temps qu’elle lie le croisement de deux routes, de deux destinées, de deux êtres : la religion de Scully rejoint celle de Mulder, comme le montre les deux héros s’enlaçant comme les branches du X. C’est pourtant une autre scène qui devait faire office de dénouement à l’origine : une note envoyée au Président Bush où l’on pouvait lire « Le secret est révélé. La vérité est à l’œuvre. Cinquante années de travail sont anéanties. » A découvrir sur les bonus DVD. On regrette pourtant l’absence de cet enfant tant attendu, sacrifié injustement au profit des films à venir qui auraient pu incarner les derniers mots de Mulder : « peut-être y a-t-il encore de l’espoir. » Une partie de l’épisode est filmée dans une région désertique près de San Diego, en Californie. Lorsque Mulder et Scully se retrouvent après des mois de séparation, Mulder lui dit : « J’ai subodoré votre odeur Clarice », clin d’œil au Silence des Agneaux dont le personnage de Jodie Foster à largement inspiré celui de Scully. D’ailleurs, Gillian Anderson fut longtemps pressentie pour reprendre le rôle de Clarice Starling dans la suite Hannibal de Ridley Scott (2001). Le physique particulier du CSM fait référence au personnage de Marlon Brando dans Apocalypse Now, titre qui colle parfaitement avec l’histoire. A noter aussi la participation des acteurs William Devane (Côte Ouest, 24) et Matthew Glave (E.R.). Chris Carter s’est cassé le bras sur le tournage du X final, qui rassemblera la meilleure audience de la saison avec 13.2 millions de fidèles aux USA mais bien loin derrière les records des saisons précédentes.